Deuxième portrait de notre série des hommes qui font vivre le Fonds Pierre Castel : Daniel Oulai, lauréat du Prix Pierre Castel 2018 pour la Côté d'Ivoire, revient sur son parcours.
Comment êtes-vous devenu entrepreneur ?
Né en pleine guerre libérienne, j’ai pu observer que l’agriculture Africaine n’était pas vraiment résiliente face aux crises, à cause de sa dépendance aux cultures d’exportation. J’ai aussi observé avec le temps que les pertes post-récoltes, jusqu’à 60% de la production annuelle, étaient liées à l’action combinée des ravageurs résistants et aux conditions de stockage des aliments. Pendant mon parcours académique, j'ai trouvé utile de développer une solution capable de réduire les pertes de récoltes, de renforcer la productivité de l’agriculture paysanne face au climat et d’améliorer les revenus des petits producteurs.
Comment avez-vous eu l'idée de ce projet ?
Les jeunes ruraux ne sont pas différents des autres, mais leur engagement est plus difficile : ils ne disposent pas facilement de lieux pour se retrouver et mener des actions collectives, ils sont les plus affectés par la pauvreté (62,5% en milieu rural contre 29,5% en milieu urbain), ils sont les oubliés des politiques publiques. La région de l’ouest de la Côte d’Ivoire ne parvient plus à retenir sa jeunesse qui rêve de gagner sa vie en Europe. Nous avons donc décidé d’initier ce programme qui donne à ces jeunes des outils pour créer une chaine de valeur dans le secteur agricole. Tout a commencé par la création d’une banque de semences paysanne. Cet espace de partage et de troc de semences a fini par abriter une véritable entreprise sociale et solidaire qui œuvre aujourd’hui à relever les défis du secteur de l’agriculture paysanne : gestion des ravageurs, pertes post-récolte, accès aux marché, amélioration des outils et adaptation au changement climatique.
Quels sont vos projets à venir et en quoi le Prix Pierre Castel peut-il y contribuer ?
Grace au prix Pierre Castel, nous lançons le programme "1000 Agripreneurs" qui vise à renforcer les capacités de 1000 jeunes ruraux et les insérer progressivement dans notre chaine de valeurs. Pour l’instant, nous travaillons à finaliser notre solution qui va révolutionner la santé des plantes en permettant une prise en charge à temps et un traitement de précision. Ce programme va non seulement réduire les vagues de migration des jeunes ruraux Ivoirien mais surtout contribuer à ‘’déruraliser’’ l’agriculture paysanne et en fin un secteur de création de richesse partagée.
Que souhaitez-vous construire et apporter à votre pays ?
La Côte d’Ivoire est confrontée à des difficultés telles que la dégradation des ressources en eau, des sols, des systèmes alimentaires, des terres, des forêts et de l'air, les précipitations et les températures dont nous dépendons. Demain, il va falloir augmenter la production agricole donc réduire nos pertes quantitatives et qualitatives. Nous avons choisi d'y contribuer à travers un système agricole intégré qui permettra un développement inclusif du monde rural, qui doit être aussi un espace industriel et touristique. Cette stratégie est une alternative crédible pour freiner la migration irrégulière de nos jeunes et de leur donner les moyens de réussir chez eux
Quel personnage admirez-vous et pourquoi ?
Mon personnage préféré est Tony Elumelu, le Président du groupe United Bank of Africa (UBA). J’ai toujours été impressionné par les initiatives philanthropiques de Tony qui stimulent la création d’emplois et l’entrepreneuriat en Afrique. De plus, sa conviction pour la jeunesse africaine, son approche audacieuse et son état d’esprit volontariste sont des caractéristiques exemplaires d’un entrepreneur visionnaire. Il incarne pour moi l’idée que les entreprises doivent rapprocher les entreprises et la société. Il est un homme à plusieurs dimensions et le plus important est son leadership. La philosophie de l’homme, fondateur du concept d’Africapitalisme, a forcé mon admiration.