Fonds Pierre Castel - Bannière actualités

Histoires d'hommes en Afrique (1) : Flavien Kouatcha

Flavien KOUATCHA - Lauréat Prix Pierre Castel 2018

Les témoignages des hommes qui font vivre le Fonds de Dotation Pierre Castel illustrent ses missions de développement des territoires africains en lien avec les territoires français. Aujourd'hui, le lauréat du Prix Pierre Castel Cameroun 2018 nous partage son parcours entrepreneurial.

Comment êtes-vous devenu entrepreneur ? Qu’est-ce qui vous a donné le déclic ? Comment tout a commencé ?

Je suis né dans une modeste famille à l'ouest du Cameroun, la région communément appelé grenier du Cameroun parce qu'il en ressort environ 70% des denrées alimentaires du pays. Que ce soit chez mes parents (aviculteurs, cuniculteurs) ou chez ma grand-mère (cacaocultrice) qui me récupéra dès l'âge de 4 ans, j'ai donc rapidement été en contact avec les challenges quotidiens des agriculteurs pour transporter leurs aliments des petits espaces ruraux de production vers les centres commerciaux urbains. C'est ainsi qu'est née ma passion pour l'agriculture. Mais voyant l'état dans lequel ce métier les avait plongés, mon père a souhaité que je devienne ingénieur pour gagner convenablement ma vie.

Plus tard en 2011, j'obtiens donc un diplôme d'ingénieur généraliste de l'Institut UCAC-ICAM Afrique Centrale, après lequel je travaille pendant 3 années en multinationale. Malgré le fait que j'étais bien payé, je ne me sentais cependant pas à ma place, l'image de l'arrière-pays dont j'étais certainement plus conscient que mes camarades citadins me revenait en permanence. C'est ainsi que je décide de me faire une nouvelle expérience dans le marketing en prélude à cette étape de construction d'une entreprise qui apporterait une solution au problème des pertes post-récolte et à l'utilisation de plus en plus intensive de pesticides chimiques.

Grâce à des recherches sur internet notamment YouTube, je tombe sur les modes de production hors-sol tels que l'aquaponie et je commence à me documenter sur le sujet, à fabriquer un prototype de kit pour essayer de produire moi-même. C'est à force d'abnégation que nous parvenons donc en Mars 2016, alors que je m'étais allié les services d'une étudiante de l'ESSEC de Douala venue aider ma mère (ma première employée) à la relation commerciale, à mettre sur le marché notre tout premier kit aquaponique. Ce n'était que le début des "problèmes", car diriger une entreprise en Afrique alors que les politiques ne sont pas toujours adaptées aux toutes petites entreprises, c'est un vrai casse-tête. Les valeurs qui nous ont permis de garder le cap et de nous distinguer de la concurrence sont l'excellence, l'innovation et l'esprit d'équipe.

Quels sont vos projets à venir et en quoi le Prix Pierre Castel peut-il y contribuer ?

Nous estimons que le taux de pénétration de nos unités aquaponiques n'est pas encore au bon niveau. Nous souhaitons démocratiser ce mode de production en poursuivant l'installation des unités aquaponiques dans des espaces urbains, pour que les clients n'ayant pas forcément un portefeuille important comprennent mieux de quoi il s'agit et puissent également en profiter. Grâce à la collaboration avec le groupe Castel, nous pouvons profiter d'un réseau fort d'une expérience qui n'est plus à démontrer. Nous pourrons ainsi atteindre plus facilement des parties prenantes nécessaires à la croissance de notre entreprise, mais aussi bénéficier d'éventuelles facilités au moment du déploiement sur d'autres implantations du groupe.

Que souhaitez-vous construire et apporter à votre pays ?

Aujourd'hui, plus de 60% des populations camerounaises sont dans le secteur agricole, mais ne parviennent pas à nourrir le pays. Nous voulons être un pilier pour l'agroalimentaire et l'économie camerounaise. Mais au-delà de l'aspect financier, nous voulons construire une fierté nationale. Une entreprise qui sera une référence d'ici une dizaine d'années, lorsque les jeunes dynamiques et intelligents de notre société n'auront aucun complexe à choisir des filières agricoles durant leur cursus académique. Pour nous, c'est le meilleur moyen de participer au développement par une production locale optimale, responsable et pérenne.

Quel personnage admirez-vous et pourquoi ?

Le personnage que j'admire le plus est ma grand-mère. Je suis fasciné par cette dame de plus de 90 ans qui a donné sa vie pour ses semblables, elle a œuvré à travers sa profession d'agricultrice à la formation et à l'autonomisation de centaines de jeunes qui aujourd'hui gagnent leur vie dans le secteur agropastoral. Dans le petit village de Mombo, situé dans le département du Moungo, derrière la Société des Eaux Minérales du Cameroun d'ailleurs une des sociétés du groupe Castel au Cameroun, ma grand-mère est une icône. Elle m'a appris qu'une compétence, une ressource qui n'est pas mise à contribution pour améliorer la qualité de vie de nos semblables, est sous-exploitée. Et je suis fier de reprendre le flambeau pour continuer son œuvre comme elle se plaît à me le dire à chacune de nos rencontres.

 

Flavien Kouatcha, lauréat Prix Pierre Castel 2018

Crédit photo : Royal Academy of Engineering