Les témoignages des hommes qui font vivre le Fonds de Dotation Pierre Castel illustrent ses missions de développement des territoires africains en lien avec les territoires français. Aujourd'hui, le lauréat du Prix Pierre Castel Cameroun 2018.
Je suis né dans une modeste famille à l'Ouest du Cameroun, la région communément appelé grenier du Cameroun parce qu'il en ressort environ 70% des denrées alimentaires du pays. Chez mes parents (aviculteurs, cuniculteurs) comme chez ma grand-mère (cacaocultrice) qui m'éleva dès l'âge de 4 ans, j'ai été en contact avec les challenges quotidiens des agriculteurs pour transporter leurs aliments des petits espaces ruraux de production vers les centres commerciaux urbains. C'est ainsi qu'est née ma passion pour l'agriculture. Mais voyant l'état dans lequel ce métier les avaient plongés, mon père a souhaité que je devienne ingénieur pour gagner convenablement ma vie. En 2011, j'obtiens un diplôme d'ingénieur généraliste de l'Institut UCAC-ICAM Afrique Centrale, puis je travaille pendant 3 années en multinationale. Bien payé, je ne me sentais cependant pas à ma place et j'ai décidé de créer une entreprise qui apporterait une solution au problème des pertes post-récolte et à l'utilisation de plus en plus intensive de pesticides chimiques. Je découvre les modes de production hors-sol tels que l'aquaponie et je commence à me documenter, à fabriquer un prototype de kit pour produire moi-même. En mars 2016, nous mettons sur le marché notre tout premier kit aquaponique. Ce n'était que le début, car diriger une entreprise en Afrique alors que les politiques ne sont pas toujours adaptées aux toutes petites entreprises, c'est un casse-tête. Les valeurs qui nous ont permis de garder le cap et de nous distinguer de la concurrence sont l'excellence, l'innovation et l'esprit d'équipe.
Le taux de pénétration de nos unités aquaponiques n'est pas encore au bon niveau. Nous souhaitons démocratiser ce mode de production en poursuivant l'installation des unités aquaponiques dans des espaces urbains, pour que les clients n'ayant pas forcément un portefeuille important comprennent mieux de quoi il s'agit et puissent également en profiter. Grâce à la collaboration avec le groupe Castel, nous pouvons profiter d'un réseau dont l'expérience n'est plus à démontrer. Nous pourrons ainsi atteindre plus facilement des parties prenantes nécéssaires à la croissance de notre entreprise, mais aussi bénéficier d'éventuelles facilités au moment du déploiement sur d'autres implantations du groupe.
Aujourd'hui, plus de 60% des populations camerounaises travaillent dans le secteur agricole, mais ne parviennent pas à nourrir le pays. Nous voulons être un pilier pour l'agroalimentaire et l'économie camerounaise. Mais au delà de l'aspect financier, nous voulons construire une fierté nationale. Une entreprise qui sera une référence d'ici une dizaine d'années, lorsque les jeunes dynamiques et intelligents de notre société n'auront aucun complexe à choisir des filières agricoles durant leur cursus académique. Pour nous, c'est le meilleur moyen de participer au développpement : par une production locale optimale, responsable et pérenne.
Le personnage que j'admire le plus est ma grand-mère. Je suis fasciné par cette dame de plus de 90 ans qui a donné sa vie pour ses semblables. Elle a oeuvré à travers sa profession d'agricultrice à la formation et à l'autonomisation de centaines de jeunes qui aujourd'hui gagnent leur vie dans le secteur agropastoral. Dans le petit village de Mombo, situé dans le département du Moungo, ma grand-mère est une icône. Elle m'a appris qu'une compétence, une ressource qui n'est pas mise à contribution pour améliorer la qualité de vie de nos semblables, est sous-exploitée. Et je suis fier de reprendre le flambeau pour continuer son oeuvre comme elle se plaît à me le dire à chacune de nos rencontres.